Les fondamentaux de la consolidation IFRS : comprendre IFRS 10, IFRS 11 et IFRS 12
1. Pourquoi la consolidation IFRS reste un sujet sensible pour les groupes
Pour un groupe coté ou en voie de l’être, la consolidation n’est plus seulement un exercice de « mise en commun » de comptes sociaux. C’est un enjeu de gouvernance, de communication financière et de gestion des risques.
Les normes IFRS 10, IFRS 11 et IFRS 12 forment le socle du référentiel de consolidation :
- IFRS 10 : qui doit être consolidé ? (notion de contrôle et périmètre de consolidation)
- IFRS 11 : comment traiter les partenariats ? (joint opérations / joint ventures)
- IFRS 12 : que faut-il expliquer aux lecteurs des comptes ? (informations à fournir sur les intérêts dans d’autres entités)
Bien les maîtriser, c’est sécuriser à la fois le périmètre, les méthodes et la transparence des états financiers.
2. IFRS 10 : la notion de contrôle, clé d’entrée dans le périmètre
2.1. Quand une entité devient-elle une filiale ?
Selon IFRS 10, un investisseur contrôle une entité (et doit donc la consolider) s’il remplit simultanément trois conditions :
- Pouvoir sur l’investie
Il dispose de droits actuels qui lui donnent la capacité de diriger les activités pertinentes, celles qui influencent significativement les rendements (droits de vote, droits contractuels, droits décisionnels clés, etc.). - Exposition ou droits à des rendements variables
Il est exposé à des rendements pouvant varier (dividendes, synergies opérationnelles, avantages fiscaux, résultats variables, etc.). - Capacité à utiliser son pouvoir pour influencer ces rendements
Le pouvoir n’est pas purement théorique : l’investisseur doit pouvoir l’exercer pour modifier les rendements (nomination de la direction, décisions stratégiques, budgets, etc.).
Si ces trois critères sont réunis, l’entité est considérée comme filiale et entre dans le périmètre de consolidation.
2.2. Les situations complexes : contrôle sans majorité des droits de vote
IFRS 10 a été conçu pour traiter les structures modernes, parfois sans majorité « simple » au capital. On peut ainsi avoir un contrôle avec :
- une participation minoritaire mais très dispersée chez les autres actionnaires ;
- des droits de vote potentiels substantiels (options, instruments convertibles) ;
- des accords contractuels donnant des pouvoirs décisionnels clés.
- Le contrôle des faites lorsque l’investisseur exerce un pouvoir dominant malgré une détention minoritaire
Dans ces cas, l’analyse ne se limite plus à un pourcentage de capital, mais à une analyse globale des droits et des rendements.
2.3. Conséquences en consolidation
Une fois le contrôle établi :
- la filiale est consolidée par intégration globale ;
- tous ses actifs, passifs, produits et charges sont regroupés ligne à ligne avec ceux de la maison mère ;
- la part des autres actionnaires est présentée en intérêts ne donnant pas le contrôle (INCC) au sein des capitaux propres.
3. IFRS 11 : joint operations, joint ventures… et choix de méthode
Les groupes sont de plus en plus présents dans des partenariats : co-entreprises industrielles, projets immobiliers, véhicules communs d’investissement, etc. IFRS 11 encadre leur traitement comptable.
3.1. La notion de joint arrangement
Un joint arrangement existe lorsqu’il y a :
- un contrôle conjoint (les décisions stratégiques requièrent l’accord unanime des parties contrôlantes),
- et un accord contractuel formalisant cette organisation.
IFRS 11 distingue deux catégories :
- Joint operation (opération conjointe)
Les parties ont des droits sur les actifs et des obligations au titre des passifs de l’arrangement. - Joint venture (co-entreprise)
Les parties n’ont pas de droit direct sur les actifs/passifs : elles ont une participation dans une entité distincte, qui porte les actifs et les passifs du projet.
La classification repose sur les droits et obligations réels, pas uniquement sur la forme juridique.
3.2. Traitement comptable
- Pour une joint operation, chaque partie comptabilise directement sa quote-part d’actifs, de passifs, de produits et de charges dans ses propres états financiers.
- Pour une joint venture, l’investisseur comptabilise un actif unique : une participation dans une co-entreprise, évaluée selon la méthode de la mise en équivalence en consolidation.
Ce choix de classification a un impact direct sur les ratios du groupe (levier, rentabilité des actifs, etc.), car la joint operation « gonfle » le bilan et le compte de résultat, là où la joint venture n’apparaît qu’en une ligne.
4. IFRS 12 : la transparence sur les intérêts dans d’autres entités
La crise financière a montré que les utilisateurs des comptes manquaient d’informations sur les entités structurées, les financements hors bilan et certaines participations significatives. IFRS 12 a été introduite pour répondre à ce besoin de transparence.
4.1. Objectif d’IFRS 12
IFRS 12 impose des informations permettant aux utilisateurs d’évaluer :
- la nature des intérêts d’une entité dans d’autres entités (filiales, coentreprises, associés, entités structurées non consolidées) ;
- les risques liés à ces intérêts ;
- l’impact de ces intérêts sur la situation financière, la performance et les flux de trésorerie du groupe.
4.2. Types d’informations attendues
Quelques exemples d’informations généralement requises :
- Jugements et hypothèses clés sur :
- le fait de contrôler ou non une entité ;
- la classification des joint arrangements (operation vs venture) ;
- l’identification d’une entité d’investissement, le cas échéant.
- Informations détaillées sur les filiales significatives :
- intérêts ne donnant pas le contrôle importants ;
- restrictions sur les transferts de trésorerie intragroupe ;
- nature des relations avec les filiales non consolidées (le cas échéant).
- Informations sur les joint ventures et associés :
- nature des activités ;
- résumé des informations financières clés de ces entités ;
- engagements et passifs éventuels liés à ces participations.
- Informations sur les entités structurées non consolidées :
- objectif et activités de ces entités ;
- type de soutien fourni (garanties, facilités de liquidité, etc.) ;
- exposition maximale au risque de perte.
En pratique, IFRS 12 peut représenter plusieurs pages d’annexes, mais c’est un outil important pour rassurer les investisseurs et les prêteurs sur le niveau de risque du groupe.
5. Interactions avec d’autres normes : l’exemple d’IFRS 16
Même si IFRS 10, 11 et 12 constituent le cœur de la consolidation, ils interagissent fortement avec d’autres normes, notamment IFRS 16 – Contrats de location.
IFRS 16 impose de comptabiliser la plupart des contrats de location au bilan du preneur sous forme de droits d’utilisation et de passifs de location, ce qui :
- augmente le total bilan (actifs et dettes) des entités fortement locataires ;
- modifie des indicateurs clés comme le levier d’endettement, l’EBITDA (en hausse) et le résultat net (profil de charges différent) ;
- peut influencer l’analyse des entités structurées ou des véhicules de location à l’échelle du groupe.
Pour les équipes de consolidation, cela implique :
- de suivre de près les engagements de location des filiales ;
- de vérifier la bonne homogénéité des politiques de groupe sur les options d’extension / résiliation, les taux d’actualisation, etc. ;
- d’anticiper l’impact sur les covenants bancaires et les indicateurs communiqués aux analystes.
6. Points de vigilance pratiques pour les groupes
Quelques pièges fréquents que l’on rencontre dans la pratique :
- Sous-estimation des situations de contrôle de facto
Se limiter au pourcentage de capital sans analyser la dispersion de l’actionnariat minoritaire, les accords de vote, les droits de nomination des dirigeants, etc. - Classifications hâtives des partenariats
Classer une structure comme joint venture parce qu’elle prend la forme d’une société ad hoc, sans analyser les droits et obligations réels (qui supporte les passifs, qui détient les actifs ?). - Annexes IFRS 12 trop génériques
Reproduire un modèle standard sans détailler les jugements propres au groupe ni les risques spécifiques (garanties intra-groupe, engagements de liquidité, etc.). - Manque de coordination avec les filiales
Sans guidelines clairs du siège, chacun applique sa propre lecture des normes, ce qui complique la consolidation (notamment sur IFRS 10 et IFRS 16).
7. Comment un cabinet spécialisé peut vous aider
La mise en œuvre cohérente d’IFRS 10, 11 et 12 nécessite :
- une lecture approfondie des textes et des décisions de l’IFRS Interpretations Committee ;
- une connaissance fine des opérations du groupe (structure juridique, financements, partenariats, véhicules dédiés, etc.) ;
- un dialogue structuré entre direction financière, consolidation, juridique et opérationnels.
Un accompagnement spécialisé peut notamment porter sur :
- la revue du périmètre de consolidation et des analyses de contrôle ;
- la reclassification de certains partenariats à la lumière d’IFRS 11 ;
- la refonte des annexes IFRS 12 pour les rendre plus claires et plus conformes aux attentes du marché ;
- la mise en place de procédures et de check-lists pour sécuriser les clôtures annuelles et semestrielles.



No responses yet