La comptabilisation et la consolidation des contrats d’énergie sous IFRS : enjeux, normes applicables et bonnes pratiques
1. Introduction : pourquoi les contrats d’énergie sont devenus un enjeu IFRS majeur ?
La volatilité des prix du gaz et de l’électricité, l’essor des marchés dérivés et la complexification des mécanismes d’approvisionnement ont profondément transformé la manière dont les groupes, notamment cotés, gèrent leurs contrats d’énergie.
Sous IFRS, ces contrats peuvent relever de normes différentes selon leurs caractéristiques : IFRS 9 pour les dérivés, IFRS 15 pour les contrats de fourniture, IAS 37 pour les contrats déficitaires, voire IFRS 16 lorsqu’ils prennent la forme d’accords assimilables à des contrats de location.
Pour les groupes consolidés, la qualification comptable de ces contrats influence directement :
- la présentation du résultat opérationnel,
- la volatilité des capitaux propres,
- l’information à fournir dans les états financiers consolidés.
2. Identifier la nature d’un contrat d’énergie : un enjeu de qualification comptable
2.1. Contrat “own use” ou dérivé selon IFRS 9 ?
La première question consiste à déterminer si le contrat relève d’un usage propre ou d’un instrument dérivé devant être comptabilisé à la juste valeur.
Un contrat d’énergie est qualifié d’“own use” lorsqu’il vise uniquement à satisfaire les besoins physiques du groupe.
À l’inverse, s’il peut être réglé net ou qu’il est fréquemment renégocié avant livraison, il tombe dans le champ d’IFRS 9, impliquant une évaluation à la juste valeur par résultat ou OCI.
2.2. Les clauses d’indexation et les options intégrées
Certaines clauses peuvent transformer un contrat en dérivé embarqué :
- options volumes,
- indexations sur prix de marché,
- mécanismes de corridors ou planchers/plafonds.
Ces caractéristiques imposent parfois une séparation ou une évaluation spécifique.
3. Contrats d’énergie et consolidation : impacts sur IFRS 10, IAS 28 et IFRS 12
3.1. Traiter les contrats d’énergie dans les filiales consolidées
Les groupes fortement consommateurs d’énergie (industrie lourde, transport, chimie…) recourent souvent à des entités dédiées aux achats groupés ou à l’optimisation énergétique.
Il est alors essentiel d’évaluer :
- si ces entités sont contrôlées au sens d’IFRS 10,
- si elles constituent des partenariats (IFRS 11),
- ou des entreprises associées (IAS 28).
3.2. Présentation des impacts dans les états financiers consolidés
Les contrats d’énergie peuvent générer :
- des actifs ou passifs dérivés,
- des passifs au titre des contrats déficitaires (IAS 37),
- des immobilisations incorporelles liées aux droits contractuels,
- des instruments financiers classés en OCI.
La cohérence de la consolidation repose sur un traitement homogène entre toutes les entités du groupe.
4. Cas particuliers : hedging, PPA, contrats long terme et production renouvelable
4.1. Les contrats de couverture (hedges) selon IFRS 9
Les groupes sécurisent souvent leurs achats via des stratégies de couverture.
La documentation du hedge, la désignation de l’élément couvert et l’efficacité sont des aspects clés pour éviter la volatilité excessive du résultat.
4.2. Les Power Purchase Agreements (PPA)
Les PPA, de plus en plus utilisés dans le cadre de la transition énergétique, peuvent :
- être assimilés à des dérivés,
- relever d’IFRS 16 (contrat contenant un droit d’usage d’une capacité de production),
- ou d’IFRS 15.
L’analyse doit être effectuée au cas par cas.
4.3. Les contrats déficitaires (onerous contracts) – IAS 37
Avec la hausse des prix, de nombreux contrats long terme deviennent déficitaires.
Les groupes doivent alors :
- tester l’existence d’un contrat déficitaire,
- comptabiliser une provision,
- déterminer les flux directement attribuables au contrat.
5. Informations à fournir : la transparence exigée par IFRS 7 et IFRS 12
Les lecteurs des états financiers attendent une compréhension claire de :
- l’exposition du groupe aux risques de marché et de liquidité,
- les méthodologies de juste valeur,
- la nature et la durée des engagements énergétiques,
- les impacts sur la performance et les flux de trésorerie.
IFRS 7 impose une information détaillée sur les instruments financiers et les stratégies de gestion de risques ; IFRS 12 requiert des disclosures supplémentaires en cas d’entités structurées ou de partenariats liés à l’énergie.
6. Conclusion : vers une normalisation accrue de la comptabilisation des contrats d’énergie ?
Avec la montée en puissance des PPA, la variabilité extrême des prix et les objectifs ESG, les contrats d’énergie occupent désormais une place stratégique dans les états financiers consolidés.
Les enjeux de juste valeur, de transparence et de gestion des risques deviennent centraux pour les groupes cotés.
Une approche rigoureuse, cohérente et documentée est indispensable pour sécuriser le traitement IFRS et limiter la volatilité comptable.



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