Sources

Le traitement du goodwill en consolidation financière : principes, tests de dépréciation et enjeux pratiques sous IFRS

1. Pourquoi le goodwill est un enjeu majeur en consolidation ?

Lorsqu’un groupe acquiert une entreprise, le prix payé dépasse généralement la valeur des actifs et passifs identifiables repris. Cet excédent constitue le goodwill (ou écart d’acquisition).
Il reflète des éléments immatériels non identifiables séparément : synergies attendues, rentabilité future, capital humain, marque, savoir-faire…

Sous les normes IFRS, le goodwill n’est jamais amorti : il doit faire l’objet d’un test annuel de dépréciation (impairment test), ce qui en fait un enjeu de gouvernance et de transparence financière.

2. Reconnaissance du goodwill selon IFRS 3

Lors d’un regroupement d’entreprises :

Formule générale du goodwill :

Prix d’acquisition
Juste valeur des actifs identifiables acquis
Juste valeur des passifs identifiables repris
Part des intérêts ne donnant pas le contrôle (INCC)
= Goodwill

Les normes exigent que les actifs et passifs identifiables soient évalués à leur juste valeur (fair value) à la date d’acquisition : marques, contrats, stocks, immeubles, provisions, passifs éventuels…

💡 En pratique, cette étape nécessite souvent des évaluateurs spécialisés.

3. Affectation du goodwill : les UGT

Une fois reconnu, le goodwill doit être affecté à une ou plusieurs unités génératrices de trésorerie (UGT) ou groupes d’UGT.

Une UGT représente l’entité la plus basse au sein de laquelle circulent des flux de trésorerie indépendants du reste du groupe.

Pourquoi cette affectation est essentielle ?

  • Elle conditionne le résultat des futurs tests de dépréciation.
  • Une affectation incohérente peut sur- ou sous-évaluer la valeur du goodwill.

🎯 Les auditeurs se concentrent généralement sur ce point lors des missions d’audit.

4. Test de dépréciation annuel (IAS 36)

Le goodwill doit être testé au moins une fois par an, ou plus fréquemment si un indice de perte de valeur apparaît (baisse d’activité, perte de clients, hausse des taux, etc.).

Le test compare :

  • la valeur recouvrable (valeur d’utilité ou juste valeur diminuée des coûts de sortie),
  • avec la valeur comptable de l’UGT (incluant le goodwill).

Deux méthodes possibles :

1. Valeur d’utilité

Actualisation des flux de trésorerie futurs (DCF).
Paramètres sensibles :

  • taux d’actualisation (WACC),
  • taux de croissance à l’infini,
  • marge opérationnelle future,
  • investissements nécessaires.

2. Juste valeur moins coûts de sortie

Basée sur une approche de marché ou transactionnelle.

Si la valeur recouvrable < valeur comptable → dépréciation.

La dépréciation :

  • est enregistrée en résultat,
  • n’est jamais reprise ultérieurement.

5. Indicateurs déclencheurs d’un test supplémentaire

Des signes de perte de valeur peuvent imposer un test anticipé :

  • augmentation significative des taux d’intérêt,
  • baisse durable de la rentabilité,
  • perte d’un contrat majeur,
  • restructuration importante de l’activité,
  • diminution du cours de bourse (pour les groupes cotés),
  • changement de réglementation affectant les cash-flows.

6. Enjeux pratiques et difficultés rencontrées

🔹 Fiabilité des projections de flux de trésorerie

Les équipes opérationnelles peuvent être trop optimistes. Une gouvernance robuste est indispensable.

🔹 Choix des hypothèses clés

Les auditeurs examinent particulièrement :

  • taux d’actualisation,
  • taux de croissance,
  • cohérence avec le budget du groupe.

🔹 Volatilité des marchés

En période de hausse des taux, les valeurs d’utilité diminuent mécaniquement.

🔹 Impact sur les résultats

Une dépréciation importante peut :

  • impacter le résultat opérationnel,
  • influencer l’appréciation des investisseurs,
  • modifier les covenants bancaires.

7. Disclosures IFRS : obligations d’information

Selon IAS 36, les groupes doivent présenter des informations détaillées :

  • valeur comptable du goodwill par UGT,
  • méthode utilisée et hypothèses clés (WACC, croissance à long terme),
  • sensibilité du test (variation des hypothèses),
  • justification de l’absence de dépréciation lorsque le goodwill est élevé.

Les disclosures insuffisantes sont l’un des motifs les plus fréquents d’observations des régulateurs (AMF, ESMA).

8. Conclusion

Le traitement du goodwill sous IFRS est un exercice à la fois technique et stratégique. Entre l’évaluation initiale, l’affectation aux UGT, les tests annuels et les exigences de transparence, les groupes doivent mettre en place une méthodologie rigoureuse pour assurer la fiabilité de leurs états financiers.

Un accompagnement spécialisé permet de :

  • fiabiliser les hypothèses d’évaluation,
  • documenter les tests de dépréciation,
  • anticiper les points sensibles pour l’audit et le régulateur.

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